Ayayaye.
Je vais vous avouer qu’en ce moment même, j’hésite encore à vous partager tout ceci. Ce n’est pas chose facile du tout. Je lève mon chapeau à toutes celles/ceux qui l’ont fait car, c’est dévoiler entièrement son intimité, sa vulnérabilité, c’est faire face aux regards, aux jugements, c’est dévoiler des bouts de passé traumatisants dont on aurait préféré garder pour nous.
Je décide d’en parler aujourd’hui pour la génération future (et présente). Parce que je sais que ça pourra faire une différence dans la manière dont vous élèverez vos fils et filles, mes chers amis. Parce que je sais que beaucoup de gars qui liront ceci vont faire 100 fois plus attention à l’avenir.
Je sais aussi que ma famille va lire ces prochains passages et je voulais vous avertir que ce sera cru et ce seront des choses que vous ne saviez pas à mon sujet. Des choses qui vous rendront probablement très inconfortable, triste, impuissant… et je m’en excuse à l’avance. Papa, Maman, sachez que vous avez été les meilleurs parents. Et sachez que je suis bien, heureuse et que je n’ai pas de traumatismes liés à ces mésaventures, rassurez-vous. Je vous aime très fort.
Dans cette dénonciation, je ne nommerai pas de nom. Je ne pointerai du doigt personne. Pourquoi? Parce que je pense tout simplement que l’humain est imparfait et a droit à la chance de réaliser qu’il a eu tort afin de pouvoir s’améliorer ensuite. Parce qu’avec cet énorme mouvement de dénonciation en ce moment, j’ai réalisé/appris beaucoup de choses. J’ai réalisé que je ne savais même pas que ce que j’avais vécu était digne de « réels » actes d’abus sexuels. Alors si je ne le savais même pas, comment ces gars-là pouvaient-ils vraiment savoir que ce qu’ils faisaient n’était pas correcte..? L’É-DU-CA-TION nous a TOUS manqué!
…Et pour être honnête, lire les témoignages me troublait, mais pas tant que ça. Je ne me voyais pas là-dedans. Je pensais n’avoir vécu aucun « réel » abus sexuel. Jusqu’à ce que je tombe sur cette fameuse pyramide des degrés de violence sexuelle, sur laquelle tous les actes de violence sexuelle sont classés par « gravité » si on peut dire. (Parce que maintenant on sait que TOUS les cas d’actes SONT graves et NE DOIVENT PAS être pris à la légère!) Chose que j’ai fait trop souvent…parce que j’ignorais, tout simplement, que ces actes-là, dont j’avais été « victime », étaient des abus!
Au début, je me disais que c’était de ma faute, car c’est moi qui n’avait pas été assez claire. C’est moi qui dit toujours oui. Qui est incapable de dire non. Qui aime trop l’attention. Qui ne veut pas déplaire. Je me suis dis que j’étais CARRÉMENT le type de victime parfaite pour ces gars-là, parce que c’est de ma faute, si je ne mets pas mon pied à terre et que je n’impose pas mes limites. Donc, je croyais que c’était de MA faute, par la leur. Je prends une responsabilité là-dessus. Mon erreur a été de ne pas être éduquée assez. De ne pas savoir détecter les signes de la manipulation subtile. Parce que NON, il n’y a PAS de type de victime parfaite et je n’en suis pas une. Il y a juste des gros dégeuts pleins de testo qui ne sont pas capables de contrôler leurs pulsions et de respecter la femme. Parce qu’on ne leur a jamais appris! TOUT SIMPLEMENT. Et ça, c’est un problème systémique qui prendra BEAUCOUUUUUP de temps à se régler, tout comme le racisme, l’homophobie, name it.
Bon alors ça commence…
13 ans – COERCITION SEXUELLE
Je suis encore un bébé. Je sais même pas qu’un pénis, ça durcit. Ça en dit long déjà. MAIS je tombe en amour. Mon premier chum à vie. Lui, il est plus vieux. Il a 15 ans. On passe notre été ensemble sur le même camping. Je suis en amour et lui, il veut me faire découvrir des trucs. Moi, je trouve que frencher dans un lit derrière sa roulotte, c’est ben assez! Mais pas lui. Il veut que je lui touche là… Il me trouve poche parce que je ne veux pas. Mais je l’aime et il insiste beaucoup, je sais que ça va lui faire plaisir. Je le fais, mais par-dessus les boxers. Je ne veux pas passer le stade du boxer. C’est une victoire pour lui, mais les jours avancent, semaines etc, c’est rendu plate en maudit, par-dessus les boxers. Il me dit qu’il ne sent pas grand-chose, il aimerait bien mieux que je le fasse en dessous. Il insiste et essaye de me convaincre. Tous les jours, c’est toujours le même discours. Je finis par le faire. Je l’aime. Ça va lui faire plaisir et il va arrêter de me gosser! Ça le satisfait… jusqu’à ce que les jours et semaines passent et ça commence à être plate, juste des branlettes. Il aimerait que je lui fasse une fellation. Il insiste beaucoup. M’en parle à tous les jours. Je ne suis pas prête, mais il dit que crime, je devrais l’être, puisqu’on est rendus là, dans nos expériences! Je venais à peine de découvrir c’était quoi une éjaculation qu’il voulait déjà me la mettre dans la bouche. Je ne me sentais pas bien/prête. Je lui disais, mais je savais qu’il était déçu et qu’il voulait tellement que je lui fasse! J’en avais mal au ventre. Je me souviens qu’avant qu’il m’amène dans le bois derrière la grande salle pour se cacher, il a fallu que j’aille aux toilettes tellement que j’étais stressée. Je l’ai fait. Je n’ai vraiment pas aimé, mais je l’ai fait. Toute mon introduction complète au sexe, ça été de cette façon, avec un copain qui voulait découvrir des choses plus rapidement, et moi dans tout ça qui ne savait pas imposer mes limites et qui pliait à ses insistements.
Je veux que vous réalisiez que LA PREMIÈRE EXPÉRIENCE SEXUELLE, C’EST LA PLUS IMPORTANTE, celle qui marquera à vie votre fille/votre fils. C’est ma relation avec ce gars-là qui a ouvert le bal sur toutes les autres. Je pensais que c’était normal. Que c’était ça, un gars. Que c’était ça, le sexe pour une fille. Qu’on était moins « déniaisés » que les gars et c’est pour ça qu’on devait faire un peu plus d’efforts… Genre WHAT THE FUCK!? Fack oui, toutes mes autres relations par la suite, je ne savais pas vraiment que ce n’était pas correcte, la façon dont on me traitait. Je me trouve niaiseuse en maudit oui, mais j’essaye de me répéter que ce n’était pas de ma faute..
*IMPORTANT À NOTER : Je ne veux pas pointer du doigt ce gars-là comme étant un monstre. Nous étions jeunes et amoureux. Il ne savait pas que ce qu’il faisait était de la coertition sexuelle. Je ne savais pas que je me faisais subtilement « manipuler » et je ne savais pas dire non. Les deux parties, nous avions nos tords.
14 ans – EXPOSITION SANS CONSENTEMENT / ATTOUCHEMENT SANS CONSENTEMENT / ABUS SEXUEL
L’été suivant au camping. On est un groupe d’amis et un garçon m’invite à son chalet à Weedon, c’était le festival des Daltons. On allait y aller et dormir au chalet ensuite. Ma mère me laisse y aller, parce qu’elle connaît mes amis et leurs parents. Ça ne l’inquiète pas. Ce soir-là, j’ai découvert la vodka et le pot. J’ai mixé les deux ensemble. J’ai perdu complètement la map. Je me réveille aux petites heures du matin, mon chandail est soulevé, ma brassière et mon corps entièrement exposé, mes culottes détachées, un gars que je ne connaissais pas à côté de moi. J’ai des flash, mais aucun souvenir précis. Je me souviens qu’un gars avait essayé de me prendre la main pour la mettre sur son pénis toute la nuit, mais j’étais complètement « out ». Incapable de bouger. Et c’est super flou. J’en parle à tout le monde à mon réveil. Ils me disent tous qu’ils ne savent pas de quoi je parle, qu’ils se sont occupés de moi et m’ont mis au lit. Tout le monde a nié, même lorsque j’ai interrogé chacun d’eux en privé. Je me suis même mise à douter de moi-même…
21 ans – COERCITION SEXUELLE
Je suis nouvelle à l’université. Je suis sur le party pas mal. Je viens de vivre une dure rupture. Moi et mes amies, on est invitées à des partys d’étudiants souvent. Je rencontre un gars de foot, joueur du Vert et Or. Il était big dans l’équipe dans ce temps-là. Un des plus populaires et des plus beaux. Il s’intéresse à moi! Wow. On commence à se texter… il m’invite chez lui un soir. On a entamé des rapprochements complètement consentants jusqu’à ce qu’on passe à l’acte. Je voulais qu’il porte un condom. (C’est un gars de foot, quand même, hein! #préjugécontrelesgarsdefoot) Il me dit que son pénis est trop gros pour les condoms. Que ça lui fait mal. Qu’il préfère qu’on en porte pas. Je lui dis que je préfère qu’il le porte quand même. On continue. Tout au long de l’acte, il n’arrête pas de me dire « Stp, j’ai envie de te feel tellement, Stp je peux enlever la capote? Stp tu as l’air tellement bonne, je veux te feel à 100%… please… » Super insistant, séducteur, manipulateur… C’était lourd. Il se retire et l’enlève, carrément. Et il recommence à me supplier en rapprochant son sexe du mien. Je n’avais pas la force de le repousser et de dire non. Je le laisse me pénétrer sans capote. Toute la soirée, je me traite de conne. Je ne suis pas fière de moi. Je m’en veux. Et lui, victoire.
26 ans – ABUS SEXUEL SANS CONSENTEMENT
Je fréquente un gars depuis quelques semaines. Il est drôle et super gentil. On a du fun ensemble. On apprend à se connaître. C’est toujours bien lorsqu’on couche ensemble, sauf UN soir et ce fut le dernier. Il avait beaucoup bu. On revenait du bar. Pendant l’acte, il me gifle violemment au visage du revers de la main. Je suis sous le choc, je ne réagis pas, je raidis. Il le refait aussitôt une deuxième fois. J’ai encore figé! Mais comment a-t-il pu pensé qu’il avait le droit de faire ça? De me violenter comme ça, sans avertir? Je sais que c’est le truc de pas mal de filles, mais crime! Tu demandes, avant!? Je me sentais sale et sans valeur. Par la suite, j’ai inventé des excuses pour qu’on arrête de se voir.
*IMPORTANT À SAVOIR : Lorsqu’il y a eu la vague #metoo il y a de cela 2 ans, ce gars-là en question est venu me présenter des excuses très sincères. Il s’est senti très coupable. Je sais que ce n’est pas un mauvais gars. Son ex aimait ça. Il a dû faire ça par réflexe, étant saoul… Bref. Ça n’excuse en rien son geste, mais j’ai vraiment apprécié qu’il prenne le temps de venir s’excuser. Ça prouve que quand les gens parlent et dénoncent, ça en fait réfléchir plusieurs, et ça fait VRAIMENT une différence!
29 ans – RETRAIT DU CONDOM SANS CONSENTEMENT
C’est un soir festif à Montréal avec mes amis. On sort au Blind Pig. Je me sens obligés d’offrir mon hospitalité à un ami qui n’avait pas de place où dormir ce soir-là (ou du moins c’était très loin, et j’habitais à côté). Je l’invite à dormir, mais je lui dit clairement que je veux qu’il dorme sur le divan. Il me dit que c’est d’accord. Je lui fais son lit sur mon futon. Je pars me démaquiller et me brosser les dents, et lorsque je reviens à ma chambre, il était couché dans mon lit, bien sûr. Il me dit qu’il ne veut pas dormir sur le futon. Qu’il ne me dérangera pas de la nuit si je le laisse dormir dans mon lit. Je sais très bien dans quoi je m’embarque, si je dis oui. Mais je suis incapable de lui dire non. Il a une emprise sur moi. Il sait comment me parler et me convaincre. Il sait comment avoir l’air coquin et cute. Je me couche et bien sûr, il y a des rapprochements, même si je me sens, encore une fois, forcée. Je sors un condom. Je veux qu’il en porte un et je suis claire là-dessus. Il le met. Quelques minutes passent jusqu’à ce que je me rende compte que le condom, il n’est plus là! Il l’avait retiré quand j’avais le dos tourné, sans mon consentement. Je suis fâchée. J’arrête tout. Je lui envoie des bêtises. J’ai envie de le mettre dehors, mais je me sens mal parce qu’il est 5h du matin. Il prend son trou sur le divan. Je n’ai droit à aucunes excuses. Il repart froidement le lendemain matin à son réveil.
Je sais que ce gars-là a profité de plusieurs situations où des filles que je connais étaient en état avancé d’ébriété, sans réel pouvoir de dire non et de refuser ses avances. Je sais qu’il se reconnaîtra. J’espère qu’il n’en dormira pas cette nuit et qu’il appendra.
C’est tout pour moi. Il y a eu d’autres expériences, mais celles-ci ont été les plus marquantes dans ma vie. Comme je l’ai mentionné plus haut, je vais super bien. Je n’ai aucune rancune, pas vraiment de traumatismes… Mais je voulais vous partager ça, car je sais que je ne suis pas la seule dans ma situation. Et que plus il y a de dénonciation, plus les gens s’éduquent et réfléchissent, plus il y a de chance d’avoir de réels changements dans la manière dont les hommes traitent les femmes. Et leur éducation doit commencer TRÈS JEUNE!
SVP, aux parents que je connais dans mon entourage, faites la leçon à vos enfants. Montrez-leur le respect, le consentement, l’honnêteté, la gentillesse… et quand ils seront plus vieux, prenez en main leur éducation sexuelle, même s’ils ne vous aimeront probablement pas pour ça.
Merci de m’avoir lu et merci de me respecter.
Vous pouvez juger si vous le voulez, mais sachez que si vous le faites, vous n’avez rien compris du message.